Synthèse – Le congé délivré par le bailleur n’est pas irréversible, celui-ci bénéficiant d’un droit de repentir qu’il peut exercer assez librement. Le preneur se trouve, de ce fait, dans une situation de relative insécurité : il ne peut pas avoir de certitude quant à l’issue de la procédure initiée par le bailleur, qui peut aboutir, à la discrétion du bailleur, soit au paiement de l’indemnité d’éviction et corrélativement à son départ des lieux, soit au renouvellement du bail. Toutefois, le preneur bénéficie du droit au maintien dans les lieux loués jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction. Le preneur doit agir avec grande prudence s’il entend libérer les lieux loués.
Droit de repentir du bailleur
Le bailleur peut revenir sur sa décision de refuser le renouvellement du bail, conformément aux termes de l’article L. 145-58 du Code de commerce.
Ce droit de repentir peut être exercé à tout moment :
– jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision fixant l’indemnité d’éviction est passée en force de chose jugée,
– et sous réserve que le preneur n’ait pas soit régulièrement libéré les lieux, soit déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
L’article L. 145-58 du Code de commerce prévoit que le bailleur qui exerce son droit de repentir supporte les frais de l’instance.
En revanche, la jurisprudence considère en principe que l’exercice du droit de repentir par le bailleur ne peut pas donner lieu à l’allocation de dommages-intérêts au bénéfice du preneur. Le refus d’allouer des dommages-intérêts au preneur a notamment été prononcé dans un cas où i) il existait une corrélation manifeste entre la délivrance du congé sans offre de renouvellement et la baisse continue des résultats du fonds de commerce ; ii) ce congé avait rendu incertain l’avenir professionnel du preneur, ce qui l’avait amené à cesser tout projet de développement jusqu’à l’exercice du droit de repentir par le bailleur, lequel était intervenu quatre années après la signification du refus de renouvellement ; iii) le preneur n’avait pas, compte tenu de la précarité notamment financière de sa situation, effectué les dépenses d’aménagement permettant une meilleure protection du fonds, qui a subi vingt-deux cambriolages pendant la période en cause (Cass. 3e civ. 29 novembre 2005 n° 1303 F-D).
Maintien dans les lieux
Afin de garantir le paiement de l’indemnité d’éviction, l’article L. 145-28 du Code de commerce prévoit que le preneur qui a droit à cette indemnité ne peut être obligé de quitter les lieux avant d’en avoir reçu le paiement. Jusqu’au paiement intégral de l’indemnité, le preneur a donc droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré, à l’exception de l’indemnité d’occupation qui se substitue au loyer.
Le maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction est un droit du preneur. Ce n’est en principe, sauf stipulation expresse du bail, pas une obligation pour le preneur, dont le non respect entraînerait la perte du droit à indemnité.
Respect des conditions et clauses du bail expiré
Le maintien a pour contrepartie l’obligation d’exécuter strictement les conditions et clauses du bail expiré : en cas de manquement, le preneur perdrait non seulement le droit au maintien dans les lieux mais en plus le droit à l’indemnité d’éviction.
Il a ainsi été jugé, par exemple, que si le bail expiré stipulait que le loyer était payable au domicile du bailleur, le preneur est tenu de lui faire parvenir l’indemnité d’occupation, substituée au loyer, aux échéances exactes (Cass. 3e civ. 5 février 1997 n° 220 PB).
Indemnité d’occupation
L’indemnité d’occupation présente la caractéristique de ne pas être soumise au plafonnement : elle doit correspondre à la valeur locative.
Néanmoins, en pratique, la valeur locative est fréquemment minorée par l’application d’un abattement pour cause de précarité, qui est souvent de l’ordre de 10% à 20%.
Par ailleurs, le montant de l’indemnité d’occupation doit être fixé judiciairement. Si le bailleur ne sollicite pas judiciairement la fixation de l’indemnité d’occupation, celle-ci est alors égale au montant du dernier loyer, le cas échéant révisé.
Libération des lieux
Comme indiqué ci-dessus, le droit de repentir du bailleur ne peut plus être exercé lorsque l’une des deux conditions suivantes tenant à la situation du preneur est remplie, conformément aux termes de l’article L. 145-58 du Code de commerce :
– si le preneur a régulièrement quitté les lieux ;
– et/ou si le preneur a déjà loué ou acquis un immeuble destiné à sa réinstallation.
S’agissant de la libération des locaux, la jurisprudence (notamment Cass. 3e civ. 29 novembre 2000 n° 1628 FS-D et Cass. 3e civ. 27 novembre 2002 n° 1720 FS-PB) considère qu’elle doit :
– être effective et complète, ce qui implique d’avoir totalement vidé les locaux,
– et s’accompagner de la remise des clés au bailleur.
La jurisprudence se montre très exigeante. Par exemple, a été considéré comme demeurant dans les lieux le preneur qui, au jour de l’exercice du droit de repentir par le bailleur, n’avait pas restitué les clés des locaux loués et n’avait pas achevé les opérations de déménagement, alors même qu’il établissait avoir pris toutes les dispositions pour libérer les locaux, que les opérations de déménagement étaient avancées à un point tel que son départ des lieux avait pris un caractère irréversible et que les travaux conséquents qu’il avait fait réaliser dans une succursale l’avaient été dans le but d’y transférer son activité (Cass. 3e civ. 27 novembre 2002 n° 1720 FS-PB).
La jurisprudence considère de plus que le bailleur conserve son droit de repentir si le locataire quitte les lieux avec une hâte anormale susceptible de caractériser un exercice abusif de son droit (Cass. 3e civ. 17 janvier 1979) ou organise sciemment son départ dans le but de faire échec au droit de repentir (Cass. 3e civ. 18 mai 2004 n° 613 FD).
En conséquence, en pratique, il convient idéalement d’informer le bailleur de l’intention de quitter les lieux avant d’entreprendre de le faire, et d’organiser une remise contradictoire des clés.