Publié sur droit.co le 6 avril 2012, mis à jour le 9 avril 2013.
Par Franck Beaudoin, avocat.
Synthèse – L’indemnité d’éviction, due sauf exceptions, est égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial, et comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire apporte la preuve que le préjudice est moindre.
Définition de l’indemnité d’éviction
Il convient tout d’abord de relever que les textes ne fixent pas de règle impérative quant au calcul de l’indemnité d’éviction, la valorisation du préjudice indemnisé par l’indemnité d’éviction relevant, à défaut d’accord entre les parties, du pouvoir discrétionnaire d’appréciation des juges, qui en pratique se font systématiquement assister par des experts.
Le principe est que l’indemnité d’éviction doit réparer tout le préjudice causé par le refus de renouvellement du bail, mais rien que ce préjudice.
À ce titre, la jurisprudence considère que la perte du fonds de commerce est le préjudice maximal qui peut résulter du refus de renouvellement, et partant que la valeur du fonds de commerce représente l’indemnité principale maximale à laquelle le preneur peut avoir droit, étant entendu que des indemnités accessoires peuvent s’y ajouter.
Schématiquement, on distingue en effet :
> une indemnité principale,
– qui peut être soit une indemnité de remplacement, c’est-à-dire de perte de fonds de commerce, si le preneur perd sa clientèle du fait du refus du renouvellement,
– soit une indemnité de transfert, c’est-à-dire de déplacement, dans les autres cas;
> et des indemnités accessoires, dont il n’existe pas de liste limitative (il peut s’agir notamment de frais de déménagement, de frais administratifs, d’indemnités de licenciement et de tous autres surcoûts salariaux).
Évaluation de l’indemnité d’éviction
La qualification de la situation et corrélativement la définition et l’évaluation des indemnités applicables sont potentiellement complexes et sujettes à argumentation.
Il convient de s’attendre à des divergences d’appréciation entre le bailleur et le preneur tout particulièrement quant à :
• la nature de l’indemnité principale due (indemnité de remplacement ou de transfert) et son évaluation ;
• l’étendue et l’évaluation des indemnités accessoires dues ;
• la valorisation du fonds de commerce.
Ainsi, par exemple, spécifiquement sur la question du social, on peut s’attendre à ce que le bailleur cherche à démontrer que le preneur peut se rétablir à proximité dans des conditions n’entraînant pas de surcoûts salariaux, et que le preneur tente de faire la démonstration inverse.
Il convient de préciser que c’est au bailleur d’apporter la preuve que le préjudice subi serait inférieur à la valeur marchande du fonds de commerce augmentée des frais accessoires (ce qui est présumé par le code de commerce), ou encore que le fonds serait transférable.
Enfin, il est à noter que la loi autorise le preneur à sa maintenir dans les lieux loués jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, donc au-delà même du terme du bail. Le temps est souvent une composante importante de la négociation entre bailleur et preneur.