Catégories
Entreprise Fiscalité Société

Rapatrier en France une société située dans un paradis fiscal

Rapatrier en France une société située dans un paradis fiscal.

droit.co – 04/04/2013

Civisme et pragmatisme peuvent motiver la décision de transférer en France le siège social d’une société établi dans un paradis fiscal. Cette opération, relativement complexe d’un point de vue juridique, peut être effectuée rapidement par des avocats avertis.

Alors que, dans le contexte d’une crise politique française sur fond de scandales fiscaux, le journal Le Monde livre des révélations sur les paradis fiscaux (Lemonde.fr, 4/04/2013, Révélations sur les scandales des paradis fiscaux), il faut connaître la faisabilité juridique du rapatriement d’une société offshore.

De prime abord, une telle opération est complexe juridiquement. En effet, la société est une personne morale disposant d’un patrimoine propre, mais qui n’existe qu’en vertu du droit. Transférer une société d’un État à un autre suppose donc que le droit de l’État d’origine accepte le transfert du siège social à l’étranger sans perte de la personnalité morale, et qu’en outre le droit de l’État d’accueil accepte ce transfert.

Le droit français accepte le transfert international de société dans les deux sens : transfert du siège social d’une société étrangère en France et transfert du siège social d’une société française à l’étranger. En cela, d’ailleurs, la France se distingue avantageusement d’États européens comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne, qui n’ont pas la même souplesse.

En droit français, la nationalité d’une société dépend toujours du lieu de son siège social. Ce critère de nationalité, simple et pertinent, n’est pas évident dans l’absolu. Ainsi, par exemple, le droit des Îles Vierges Britanniques accepte qu’une société puisse continuer à exister sous son empire tout en ayant transféré son siège social à l’étranger.

Le rapatriement direct d’une société étrangère en France avec maintien de sa personnalité morale, par le transfert de son siège social, nécessite donc en premier lieu de vérifier que le droit de l’État d’origine accepte ce transfert sans perte de la personnalité morale.

Si cette condition est vérifiée, l’opération sera faisable juridiquement.

D’un point de vue fiscal, en France, l’opération en elle-même nécessitera seulement un enregistrement à la recette des impôts compétente, et donnera lieu au paiement de droits de l’ordre de quelques centaines d’euros seulement, suivant la nature exacte des opérations effectuées (le transfert du siège social pouvant s’accompagner d’autres opérations, par exemple une augmentation de capital).

En revanche, il convient de connaître très précisément les dispositions fiscales de l’État d’origine. En général, des territoires considérés comme fiscalement attractifs, comme les Îles Vierges Britanniques, ne prévoient pas d’impositions spécifiquement dissuasives en cas de transfert du siège social à l’étranger. Ce point est en tout cas fondamental, car il existe des régimes fiscaux susceptibles de rendre l’opération tellement coûteuse qu’elle ne serait plus, en pratique, raisonnablement réalisable.

De plus, il est à noter que le droit français permet même, avec une relative simplicité, d’effectuer un ensemble d’opérations complexes dans une même opération, traduite dans un même procès-verbal, donnant lieu à une seule formalité à la recette des impôts et au greffe du tribunal compétent.

Par exemple, il est possible de réaliser en même temps les différentes opérations suivantes :

– cession de titres d’une société étrangère, par exemple existant en droit des Îles Vierges Britanniques,

– transfert du siège social en France,

– adoption de la forme d’une société française,

– adoption de statuts,

– conversion du capital social en euros,

– augmentation du capital social.

Il est d’ailleurs conseillé d’effectuer simultanément toutes ces opérations, dans l’éventualité de l’achat, directement ou indirectement, d’actifs comprenant une société située dans un paradis fiscal, ce afin de ne pas détenir de société offshore plus qu’un temps de raison, et par conséquent de ne pas encourir les conséquences fiscales s’attachant à la détention de société offshore.

Bien entendu, dans le détail, de nombreuses questions doivent être méticuleusement analysées en amont. En pratique, notamment, il est essentiel de prendre contact le plus tôt possible avec les différents intervenants pour connaître leurs contraintes et trouver les solutions appropriées. Par exemple, la banque peut avoir besoin d’une explication détaillée, voire d’un avis d’avocat, pour l’ouverture du compte de capital nécessaire à l’immatriculation de la société, et le greffe du tribunal peut avoir des demandes impossibles à satisfaire qu’il pourra accepter de réévaluer au regard des contraintes qui lui seront exposées. Ainsi, le greffe peut demander la production d’un certificat de l’autorité compétente de l’État d’origine indiquant que le droit d’origine accepte le transfert du siège social à l’étranger avec maintien de la personnalité morale. Si l’autorité en question n’est pas habilitée à produire une telle attestation, le greffe peut accepter un avis d’avocat (« legal opinion ») de l’État d’origine.

En sens inverse, si le droit français accepte le transfert de siège social à l’étranger au plan juridique, les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise, applicables en cas de transfert dans un État non membre de l’Union européenne, dissuadent en pratique cette opération. Cela explique qu’en général les sorties d’actifs de France utilisent d’autres voies que le transfert pur et simple du siège social d’une société.

*****

Lire aussi : Transfert du siège social d’une société de France à l’étranger.

Par Franck BEAUDOIN, Avocat

Avocat, président et fondateur de la société d’avocats FB JURIS, directeur de la publication des sites juridiques droit.co et idroit.co.

Laisser un commentaire