La Troisième République
Aperçu sommaire
Trois lois sont constitutives de la Constitution de 1875 :
– loi du 25 février 1875, relative à l’organisation des pouvoirs publics,
– loi du 24 février 1875, relative à l’organisation du Sénat,
– loi du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics.
La Constitution de 1875 est entrée en vigueur le 8 mars 1875, suite à la constitution des deux Chambres et au transfert de pouvoir opéré par l’Assemblée nationale.
Souveraineté et suffrage
La souveraineté est nationale. En l’absence de proclamation explicite, cela s’infère des lois constitutionnelles, et notamment de l’institution d’une “Assemblée nationale”.
Le suffrage est universel masculin (les militaires en activité de service ne peuvent exercer leur droit de vote).
L’âge électoral est fixé à 21 ans (loi municipale de juin 1873 maintenant l’age électoral).
Le mode de scrutin pour l’élection des députés est le scrutin uninominal (circonscriptions constituées par l’arrondissement ou une subdivision de ce dernier (lois des 21 juillet 1927 et 20 mai 1936) / 617 circonscriptions lors de la dernière législature).
Pouvoir législatif
Le pouvoir législatif est caractérisé par le bicaméralisme.
Les deux chambres sont la Chambre des députés et le Sénat.
Chambre des députés
La Chambre des députés est élue au suffrage universel direct.
La condition d’éligibilité consiste à avoir 25 ans au minimum.
La législature est de quatre années. Le renouvellement est intégral.
Lors de la dernière législature, la Chambre des députés était composée de 617 membres.
Sénat
Le Sénat est élu au suffrage universel indirect.
La condition d’éligibilité consiste à avoir 40 ans au minimum.
La législature est de neuf années. Le renouvellement est partiel, par tiers tous les trois ans.
Le Sénat comportait initialement 75 sénateurs inamovibles, les premiers désignés par l’Assemblée nationale, leurs successeurs étant désignés par cooptation. La loi du 9 décembre 1884 supprime l’inamovibilité pour l’avenir, les sénateurs inamovibles restant en place jusqu’à leur mort.
Le Sénat était composé de 314 sénateurs lors de la dernière législature.
Bicaméralisme quasi-égalitaire
Égalité presque totale entre la Chambre des députés et le Sénat :
– en matière législative (ordinaire ou constitutionnelle)
– droit d’initiative
– droit d’amendement
– et en matière de contrôle du gouvernement (6 gouvernements ont démissionné suite à une question de confiance devant le Sénat)
– mais pas en matière de finances publiques (les lois de finances sont d’abord présentées à la Chambre des députés et elles ne sont soumises au Sénat que lorsque la Chambre des députés les a votées).
Pouvoir exécutif
Président de la République
Le Sénat et la Chambre des députés, réunis en Assemblée nationale, élisent le Président de la République à la majorité absolue et au scrutin secret, lequel tend à empêcher que la discipline des partis ne joue.
La condition d’éligibilité consiste à être électeur. Par ailleurs, est instituée l’inéligibilité des membres des familles ayant régné sur la France.
La durée du mandat du Président de la République est de 7 années. Il est rééligible. En pratique, seuls deux présidents ont été réélus : Grévy et Lebrun.
Attributions
Le Président de la République possède des attributions étendues :
– initiative des lois
– promulgation des lois
– pouvoir réglementaire (pour l’application des lois)
– commandement de la force armée
– représentation de la France / négociation et ratification des traités
-droit de convocation et d’ajournement des Chambres / droit de leur adresser des messages / droit de dissolution de la Chambre des députés
– nomination et révocation du chef du gouvernement / présidence du Conseil des ministres
Le Conseil des ministres se tient sous la présidence du Président de la République. Le Président n’y a qu’une voix délibérative. Les Conseils de cabinet se déroulent en son absence.
Le Président de la République bénéficie d’une irresponsabilité politique, entraînant la nécessité du contreseing par un ministre de chacun de ses actes. Le Président ne peut être poursuivi que pour le crime de haute trahison.
Ministres
Le Président du Conseil, qui n’est pas mentionné par la Constitution, est une création de la pratique institutionnelle. Il est dit « primus inter pares » dans la mesure où s’il ne bénéficie, juridiquement, d’aucune supériorité sur les ministres, il exerce en revanche une ascendance de fait.
Les ministres sont juridiquement égaux, en dehors du garde des Sceaux, qui est en général également vice-Président du Conseil.
Le Conseil des ministres et les Conseils de cabinet fixent le programme politique du gouvernement et coordonnent l’activité des ministres.
L’article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 dispose que « Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres de la politique générale du gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels ».
Séparation des pouvoirs
Le Parlement contrôle le gouvernement, qui est responsable devant lui, particulièrement par les procédures suivantes :
– contrôle parlementaire
– enquête
– question / interpellation
– mise en cause de la responsabilité ministérielle
– la motion de censure, à l’initiative des Chambres (si le texte déclarant qu’une Chambre censure le gouvernement est adopté à la majorité de la Chambre, le gouvernement doit présenter sa démission)
– la question de confiance, à l’initiative du gouvernement (quand, à l’occasion d’un projet loi présenté devant les Chambres, le gouvernement indique qu’il « engage sa responsabilité sur le texte », ou encore qu’il « pose la question de confiance », si le texte n’est pas voté, le gouvernement démissionne)
Il est à noter que les dispositions qui précèdent ne figurent pas dans la Constitution, mais dans le règlement de l’assemblée et dans des lois spéciales.
Le gouvernement intervient dans les débats, et les dirige :
– les ministres ont le droit d’être entendus par les Chambres,
– les débats dans les Chambres n’ont lieu qu’en leur présence,
– l’exécutif peut suspendre la session ordinaire, il prononce sa clôture, convoque les sessions extraordinaires, et peut dissoudre la Chambre des députés sur avis conforme du Sénat.
Évolutions : la pratique constitutionnelle
La IIIe République illustre à quel point la pratique constitutionnelle peut avoir des incidences sur le droit positif et, de façon plus caractéristique, sur la nature même du régime.
Ainsi, les conséquences directes et indirectes de la crise du 16 mai 1877 et du message du 6 février 1879 du président Grévy au Sénat (convention de la consitution appelée “constitution Grévy”) sont notables :
– la désignation du Président du Conseil ne relève plus du pouvoir discrétionnaire du Président de la République, qui doit tenir compte de la majorité parlementaire,
– la soumission du pouvoir exécutif au pouvoir législatif est instituée,
– le droit de dissolution du Président de la République tombe en désuétude,
– le régime apparaît fondamentalement parlementaire (comme l’illustre particulièrement la désignation du Président du Conseil),
– la déviation en régime d’assemblée ou en parlementarisme absolu,
– l’nstabilité gouvernementale (101 démissions de 1876 à 1940).