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Procédure collective: déclaration de créance du bailleur

Déclaration de créance par le bailleur dont le débiteur est placé sous sauvegarde ou en redressement judiciaire.

Date de publication sur droit.co: 19 mars 2013

Dernière mise à jour: 21 mars 2013

En dépit d’une rédaction maladroite du code de commerce, il semble que, pour la déclaration de créance du bailleur, les sommes dues en application du bail doivent être distinguées suivant qu’elles se rapportent à une occupation antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture, indépendamment de la date de leur exigibilité.

S’il est clair, en vertu de l’article L. 622-14 du code de commerce, que le bailleur, dont le débiteur est placé sous sauvegarde ou en redressement judiciaire, ne peut agir en résiliation du bail que sur le fondement d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, même partiellement comme l’a précisé en toute logique la jurisprudence, quelles sommes doivent faire l’objet de la déclaration de créance du bailleur ?

La question se pose, semble-t-il, du fait d’une mauvaise rédaction du code de commerce, qui n’articule pas convenablement la notion de « naissance de la créance », visée aux articles L. 622-7 et suivants du code de commerce, et les contrats à exécution successive.

En effet, la notion de créance née antérieurement au jugement d’ouverture, mentionnée notamment aux articles L. 622-7 et L. 622-24 du code de commerce, suscite des difficultés d’interprétation et donc d’application dans le cadre d’un bail consenti à un débiteur ultérieurement placé sous sauvegarde ou en redressement judiciaire. Cette notion de « créance née » paraît de prime abord plus large que celle de créance exigible, ce que confirme d’ailleurs a bien des égards une revue de jurisprudence. Ainsi, la notion désignerait la source de l’obligation et non la date d’exigibilité de la contrepartie.

Dans le cadre d’un bail, contrat à exécution successive, on devrait logiquement considérer que la créance constituée par les sommes dues en application du bail naît dès la signature du contrat de bail. Or, en application de l’article L. 622-7 I du code de commerce, il est interdit de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Toutefois, l’article L. 622-13 du code de commerce dispose que l’exécution des contrats en cours ne peut être exigée par l’administrateur qu’en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. De plus et surtout, l’article L. 622-14 2° du code de commerce prévoit expressément que la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise, peut intervenir lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture. Dès lors, on en déduit nécessairement que les sommes dues en application d’un contrat de bail au titre d’une occupation postérieure au jugement d’ouverture ne s’analysent pas en des créances « nées antérieurement » au jugement d’ouverture, dont le paiement est interdit. On devrait donc considérer au contraire que ces sommes doivent s’analyser en des créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture, au sens de l’article L. 622-17 I du code de commerce, devant donc être payées à leur échéance.

Ainsi, dans le cas du contrat à exécution successive particulier qu’est le bail, il semblerait que la notion de créance née antérieurement au jugement d’ouverture doive s’entendre de toutes les sommes se rapportant à une occupation antérieure au jugement d’ouverture, qu’elles soient échues (exigibles, payables) ou non.

Réciproquement, toutes les sommes se rapportant à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, qu’elles soient échues ou non, doivent vraisemblablement s’analyser en des « créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période », devant être « payées à leur échéance », au sens de l’article L. 622-17 I du code de commerce.

En conséquence, la déclaration de créance du bailleur doit porter :

– indubitablement sur les sommes échues, dues en application du bail au titre d’une occupation antérieure au jugement d’ouverture ;

– vraisemblablement sur les sommes, échues ou non encore échues, dues ou susceptibles d’être dues (on pense en particulier à d’éventuels intérêts de retard et/ou pénalités) au titre d’une occupation antérieure au jugement d’ouverture.

Que faire alors dans le cas d’une somme exigible, mais se rapportant pour partie à une occupation antérieure et pour partie à une occupation postérieure au jugement d’ouverture ? On pense en particulier à un loyer payable trimestriellement et d’avance, par exemple le 1er octobre pour le quatrième trimestre civil de la même année, dans l’hypothèse où le jugement d’ouverture intervient par exemple le 7 octobre.

La Cour de cassation a jugé que le bailleur pouvait agir en résiliation du bail « en invoquant le défaut de paiement des loyers dus pour la période allant du 1er octobre au 31 décembre (…), c’est-à-dire, pour partie, de loyers correspondant à une période de jouissance postérieure à ce jugement ».

Dans la logique de ce raisonnement, on pourrait considérer que les sommes devant faire l’objet de la déclaration de créance sont uniquement celles se rapportant à la période d’occupation antérieure au jugement, dans notre exemple un prorata des sommes dues en application du bail (loyers, charges et accessoires, y compris les pénalités) pour la période du 1er au 7 octobre.

Ce point n’ayant pas été explicité en droit positif, à notre connaissance, il conviendrait toutefois, par prudence, de faire état dans la déclaration de créance du montant exigible au titre de la période d’occupation postérieure au jugement.

Que faire à présent dans le cas d’une somme non encore exigible, se rapportant pour partie à une occupation antérieure et pour partie à une occupation postérieure au jugement d’ouverture ? On pense en particulier à un loyer payable trimestriellement à terme échu, par exemple le 1er janvier  pour le quatrième trimestre civil de l’année précédente, dans l’hypothèse où le jugement d’ouverture intervient par exemple le 7 octobre.

Dans la continuité de ce qui précède, il semble que les sommes dues ou susceptibles de l’être au titre de la période d’occupation antérieure au jugement devraient être seules déclarées.

Là encore, il serait prudent de faire expressément état, dans la déclaration de créance, des sommes qui seront dues pour la période d’occupation postérieure au jugement. Il paraît donc approprié de faire expressément état, dans la déclaration, d’une évaluation des sommes dues ou susceptibles de l’être au titre d’une occupation au cours de la période d’observation, d’autant plus que l’article L. 622-13 II du code de commerce impose à l’administrateur de s’assurer qu’il disposera des fonds nécessaires pour remplir les obligations de paiement :

« Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant ».

Par Franck BEAUDOIN, Avocat

Avocat, président et fondateur de la société d’avocats FB JURIS, directeur de la publication des sites juridiques droit.co et idroit.co.

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